Des paradigmes computationnels résilients à l’école?

By Mathieu Payn

Cet article propose une lecture commune et commentaires sur l’article Post Collapse Computing Part 3: Building Resilience publié en octobre 2022 par Tobias Bernard, designer d’interaction.

Cet article propose une lecture commune et commentaires sur l’article Post Collapse Computing Part 3: Building Resilience publié en octobre 2022 par Tobias Bernard, designer d’interaction. Les points de départ de ses réflexions sont l’inaction politique face au défi climatique et le visage que prend l’informatique après un effondrement civilisationnel: quelles conséquences sur l’usage de l’ordinateur et surtout quelles conceptions (design) d’ordinateurs et de leurs interfaces peuvent répondre à cet effondrement?

Il s’agit dans ce billet de blog de reprendre certaines idées originales d’une informatique résiliente et de tester son applicabilité au secteur de l’éducation.

🌐 Plus de connectique

Que faire si la connexion internet manque de stabilité et subit des coupures intermittentes pendant une journée d’école? L’impact semble minime pour les pratiques d’enseignement des établissements scolaires fribourgeois:

  • le contrôle de présence ne s’appuie pas sur un système d’information informatique ;
  • les ordinateurs en classe sont constamment connectés à l’internet, mais l’usage des logiciels didactiques et bureautiques n’en dépendent pas particulièrement ou disposent d’un mode hors-ligne ;
  • les tâches effectuées par les élèves lors des différentes leçons requièrent principalement des moyens physiques (papier, crayons, livres, CDs,…).

La plupart des tâches de l’enseignant·e sont réalisées à l’avance (préparation du matériel et des leçons). L’incapacité d’avoir accès à sa boîte mail ou d’autres services de messagerie, aux ressources en ligne (vidéos, images) ainsi que la synchronisation des documents (sauvegarde cloud) serait les impacts les plus notables.

🔑 La clé USB, artefact ringard?

Alors que l’informatique dans les nuages est accompagnée par un discours de l’instantané, ubiquité magique des données que l’on a générées sur tel appareil et retrouve directement sur l’autre, l’usage des clefs USB paraît plus bricoleur. C’est un objet physique que l’on sort de sa trousse ou de sa poche pour insérer physiquement dans le port d’un ordinateur afin d’y ouvrir et afficher le(s) fichier(s) à partager et sur le(s)quel(s) collaborer. En tant que telle, la clé USB rendrait de multiples services à une communauté d’enseignant·es qui sont situé·es dans le même établissement. Cet artefact physique rappelle quelques principes de sécurité informatique tels que l’attention à l’origine de la clé, la présence d’un logiciel antivirus à jour et un formatage annuel de la clé.

💾 D’abord en local, puis dans les nuages

Lorsque vous travaillez sur votre ordinateur, combien de fois par jour (ou semaine, ou mois) devez-vous vous rendre sur un service cloud pour y déposer ou récupérer des données?

Le paradigme proposé par l’auteur est à contre-courant de cette tendance que Google a lancée avec son Chromebook. L’information est sauvegardée sur l’ordinateur de travail de l’utilisateurice. Dans un second temps, seulement, lorsque la connectivité le permet, l’information est dupliquée sur une seconde machine, un serveur. Actuellement, lorsque vous modifiez une information sur votre ordinateur et êtes lié à un service cloud (par exemple iCloud ou OneDrive , vendus avec les nouveaux ordinateurs Windows et Apple), vous sollicitez un serveur et une infrastructure pour chaque changement apporté.

🔌 Efficience des ressources

La question de l’énergie, ici l’électricité uniquement, est devenu brutalement une thématique préoccupante pour la Suisse avec les craintes de black-out en hiver 2022-23. Au niveau du développement, la mesure est difficile à faire. À l’école, quel serait l’impact d’une priorisation des activités gourmandes en électricité? Comment cette priorisation serait-elle menée au sein de l’école, et en rapport avec les autres activités telles que le soin, la sécurité, la mobilité ou bombarder la population de publicités?

Le regard se tourne alors vers les enseignant·es, mais aborder une thématique comme celle-ci demanderait un investissement supplémentaire en temps et en énergie pour mettre à jour ses connaissances sur le sujet, ainsi que créer des leçons sur mesure pour qu’elles correspondent aux objectifs du plan d’étude. De plus, les moyens d’action mis à disposition requièrent la participation de tiers, qu’il s’agisse du propriétaire du bâtiment (commune, canton, …) ou des administrateurs en charge du matériel informatique.

🎛️ La complexité d’un domaine

La chaîne de production d’un logiciel est complexe: d’un choix d’un langage de programmation et de ses composants, puis sa méthode de livraison (on parle de chaîne logistique), mais aussi d’une suite d’outils d’interfaces utilisations, un format et standard de fichiers, une forge logicielle… toutes ces étapes d’un processus complexe ont un impact organisationnel, environnemental et de mise sur le marché. Face à cette complexité, le programmateur suggère de:

  • rester sur le paradigme d’un système de fichiers rassemblés dans des dossiers ;
  • favoriser des formats de fichiers standards et simples* ;
  • permettre l’export des données.

Si ces paradigmes sont suivis, la résilience des données est assurée. Sans disponibilité et intégrité des données, le numérique ne joue plus son rôle de soutien à l’enseignement et dessert les enseignant·es.

💻 Renouvellement de matériel

N’importe quel appareil numérique est un bijou de complexité matériel: rassemblant des dizaines de métaux et terres rares, un objet IT est conçu à partir de ces composants de haute qualité.

Un ordinateur requiert des ressources et de l’énergie pour être produit. A son arrivée en classe, il a déjà un impact environnemental fort dû à l’extraction de ses ressources et à sa fabrication (on parle alors d’énergie grise). La plus grande erreur serait alors de ne pas l’utiliser et de le laisser devenir obsolète; cela correspondrait à acheter une voiture neuve et de la conduire une fois par mois pendant 45 minutes.

La solution la plus raisonnable serait de densifier l’usage des appareils pour en maximiser l’exploitation.

Conclusion

L’exercice demande un effort double. En premier lieu, s’imaginer un effondrement civilisationnel n’est agréable pour personne. Deuxièmement les praticien·nes du secteur éducatif souhaitent se concentrer sur leurs activités plutôt que de se projeter dans un numérique différent qui n’en est qu’aux débuts de son implémentation rien que sous sa forme “classique”: que ce soit par l’informatique des nuages, clé USB, en 32 ou 64 bits. Les ressources pédagogiques (supports de cours, exercices, moyens d’évaluation, etc..) doivent être disponibles et les appareils fonctionnels.

Billet co-écrit par Mathieu Payn & Nicolas Tuor

Références

* Pour plus d’information sur les SOLL dans l’éducation, le lectorat peut se référer à ce document du Département de l’Instruction Publique genevois.

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